Que voir du canal ?
L'eau fit jadis du canal de Malcros un serpent ininterrompu de plusieurs dizaines de kilomètres, où alternaient rigoles, tunnels, chutes naturelles et bassins. De nos jours, l'eau vive ne coule plus et ne coulera probablement plus jamais. Seuls subsistent de nombreux ouvrages, témoins de son passage en un tracé tortueux, aujourd'hui discontinu. Certains ouvrages ont totalement disparu, bon nombre sont en mauvais état ou simplement enfouis sous des matériaux d'érosion, parfois dissimulés derrière un rideau de végétation. Une partie du canal empruntant des rigoles naturelles, certaines sont inaccessibles ou dangereuses. Tantôt la visite en est impossible, ou tout simplement ne révèle rien qui fasse aisément sens. Il n'est donc pas possible de parcourir de façon continue les 61 kilomètres des différentes branches
Toutefois, des ouvrages, parmi les plus significatifs ont été restitués à leur état d'origine par les bénévoles de l'association Malcros 28 18. Restaurés, ils permettent d'apprécier pleinement les moyens mis en œuvre au XIXème siècle pour conduire l'eau au travers d'une montagne rendue instable par le gel, la neige et les fortes érosions. Plus bas, le territoire se faisant hospitalier, les solutions sont plus communes et le tracé n'en est que plus aisé à parcourir.
Vous ne manquerez pas d'y suivre le langoureux sentier qui court depuis le bassin de répartition de l'Abeil à Chaillol station, jusqu'à la ferme de Couquette.
Montant à la réserve d'eau des canons à neige de Chaillol, vers 1900 mètres d'altitude, le bel ensemble du Sellaret est en cours de réfection, depuis mai 2013. Il est riche d'un reste de tunnel, de deux rigoles en pierre et d'une martelière en bon état. Depuis juin 2014, la partie basse des ouvrages (rigoles et martelière) est rendue à la visite. En partie haute, la réfection du tunnel demandera davantage de temps.
Plus haut encore, franchissant le col de la Pisse, à 2354 mètres d'altitude, alors que vous pénétrez dans le Parc national des Écrins, de puissantes dalles de grès trahissent sur une centaine de mètres un tunnel aux allures de chaussée de géant.
Montant encore, vers 2700 mètres d'altitude, à l’approche du col de Riou Beyrou, se concentrent quelques ouvrages majeurs : ce sont en premier lieu un magnifique mur de retenue ainsi que l'emblématique cabane des parisiens, entièrement restaurée. Suivant le tracé du canal qui contourne le Vieux Chaillol par l'Est, vous entrez dans un domaine plus sévère qui nécessite que vous soyez aguerri à la haute montagne et que vous n'ayez pas de difficulté à circuler sur le passage en corniche qui suit. Il vous apparaîtra alors, après 300 mètres qui peuvent impressionner, un splendide tunnel voûté d'une bonne centaine de mètres de longueur. Destiné à protéger l'aqueduc des blocs instables que déverse le pierrier en amont, il a subi des travaux de réparation importants qui améliorent son espérance de vie, sans pour autant la lui garantir tant le site est instable. Encore quelques centaines de mètres de faible pente et vous parvenez au torrent de Malcros. C'est là l'origine du canal qui captait des eaux que la pente destinait naturellement à la vallée de Champoléon. Il fallut qu'en 1853 Napoléon III prenne un arrêté pour qu’elles puissent être détournées vers Chaillol.
Arrivé là, votre curiosité devrait vous pousser à remonter un peu le torrent de Malcros. Vous n'en serez pas déçu car à 15 minutes de là, s'offre à vous le lac résiduel de Malcros témoignant de l'activité du glacier éponyme. Ne cherchez pas ce dernier, le réchauffement de la planète en a eu raison, profitant de sa faible altitude et de sa trop bonne exposition. Mais c’est bien là que s’originaient les eaux du canal de Malcros avant que celui-ci ne devienne le canal de mémoire que vous avez suivi jusqu’ici.
Principaux ouvrages
Typologie des ouvrages du canal :
- rigoles en pierres maçonnées à la chaux ;
- canal couvert ouvragé en galerie voûtée ;
- canal taillé dans la falaise, surplombant ;
- canal bordé par un mur de pierres maçonnées au mortier ;
- canal suspendu épaulé par un perré ;
- passage en ravine naturelle sur banc rocheux ;
- canal creusé dans les dalles de grès ;
- canal en rigole appareillé en pierres, couvert par de grosses dalles (½ tonne).
Une cabane sur le parcours du canal
S'il est un édifice emblématique sur ce versant du Champsaur, c'est bien la cabane des parisiens. Au pied exactement du majestueux Vieux Chaillol, à 2700 mètres d'altitude, cette cabane renommée voit passer été comme hiver les caravanes de randonneurs qui visent les 3163 mètres de son grand voisin. Et cela depuis qu'elle fut édifiée en 1893.
Son histoire est assez liée à celle du canal pour qu'il en soit question ici.
Elle fut reconstruite au col de Riou Beyrou, ultérieurement à la mise en service du canal, faisant suite à un abri que réalisèrent dans ce secteur, dit-on, un groupe de parisiens en difficulté. Sa vocation fut de servir de cabane de chantier pour le long et fastidieux entretien du canal qui passe à son pied. Des travaux de réparation furent nécessaires en 1911.
Puis sa vocation de cabane de chantier fut oubliée quand en 1923 on abandonna Malcros...
Depuis, au gré des itinéraires qui croisent cet inévitable point de passage qu'est le col de Riou Beyrou, la cabane reçoit des visites plus désintéressées, mais maintenant vraiment fréquentes. Tel ou tel a pu tantôt s'y abriter par mauvais temps, tantôt s'y reposer un moment, voire y passer une nuit, par pur plaisir. Mais en hiver les randonneurs munis d'une petite pelle peuvent dégager l'entrée devant la porte car celle-ci reste toujours ouverte.
Histoire de l'association
En 1968, un groupe de jeunes chaillolards lui a prodigué ses soins pour l'aider à venir jusqu'à nous. C'est l'un d'eux, Jean-Louis Martin, qui fonda Malcros 28 18 en 2004. Prise alors en affection par l'association, la cabane à été entièrement et fort joliment restaurée par ses membres bénévoles, sous la houlette bienveillante du Parc national des Écrins. À cette altitude, les travaux ont été pénibles. Les dalles de grès qui font la couverture ont notamment dû être charriées à dos d'ânes depuis une casse un peu en aval du col de Côte Longue, et parfois même par des hommes au moyen d'ingénieux bayards. Des tonnes de matériaux ont ainsi été transportées, mais le résultat est là, et les souvenirs sont irremplaçables.
Désormais et pour quelques bonnes décennies espère-t-on, car la montagne sera au bout du compte seule à en décider, la cabane s'offre, magnifique, à disposition de tous.
Vous y trouverez un abri non gardé, certes précaire, mais sûr. Le bat-flanc offre maintenant 7 places et comme nous sommes en montagne, il est naturel que chacun s'applique à le garder propre. Ainsi tous peuvent jouir de la cabane des parisiens, fierté de Malcros 28 18, et profiter du soleil levant qui filtre par le fenestron. Cela 300 jours par an, dit-on. À ceci près qu’un épais manteau de neige recouvre les lieux en hiver, rendant généralement l’entrée impraticable. Vous êtes en montagne !